U.S.S. BOTANY BAY

jeudi 26 avril 2012

Quote #25 : François

« Azévédo niait qu’il existât une déchéance pire que celle de se renier. Il prétendait qu’il n’était pas de héros ni de saint qui n’eût fait plus d'une fois le tour de soi-même, qui n’eût d’abord atteint toutes ses limites : “ Il faut se dépasser pour trouver Dieu ”, répétait-il. Et encore : “ S’accepter, cela oblige les meilleurs d'entre nous à s’affronter eux-mêmes, mais à visage découvert et dans un combat sans ruse.” »


François Mauriac - Thérèse Desqueyroux


vendredi 14 octobre 2011

Max Pulver

« L'acte d'écrire :

  1. est symbole de la manifestation en soi ;
  2. implique une loi d'orientation du moi vers le toi ;
  3. est manifestation d'une vie intérieure. »
Max Pulver - Le symbolisme de l'écriture


Chose amusante... je lis cet ouvrage magistral en ce moment et j'ai été tiré de ma lecture dans le métro ce matin même par deux usagers qui ne se connaissaient pas... C'est rare qu'un sujet aussi pointu intéresse trois personnes dont les chemins se croisent par hasard pour la première fois... Elles ont pris la référence, alors au point où j'en suis... peut-être d'autres candidats à cette lecture ? Ce livre traite de graphologie mais sans jamais prendre un ton scolaire... Il se lit presque comme un roman en initiant progressivement le lecteur aux secrets des scripteurs... sans jamais tomber dans de trop grossiers débordements psychologiques... C'est qu'il convient d'être très prudent lorsqu'on analyse une écriture... « J'aurais bien voulu poursuivre cette conversation mais c'est mon arrêt... »

mardi 9 août 2011

à propos de palmiers...

« En Amazonie, Francis Kahn, qui a consacré sa vie de scientifique aux palmiers, en fait d'abord l'éloge ému : "Les princes de la forêt sont beaux et généreux. Ils donnent à l'enfer vert un goût de paradis. La luxuriance est à son paroxysme, la vie a tout osé..." Puis, du paradis on passe à l'enfer : "Il n'aura fallu que cent trente-cinq ans pour éliminer plus du quart des forêts de l'Amérique latine. [...] La seconde moitié du XXe siècle restera marquée par la destruction des grandes forêts tropicales. [...] Les conséquences sur l'environnement et les sociétés seront dramatiques. [...] L'homme sait encore bien peu de choses de la vie, il s'emprisonne à jamais dans le carcan de son ignorance." »

Alain Hervé - le palmier

dimanche 5 juin 2011

Quote #24 : Albert


« Le révolutionnaire est un homme condamné d'avance. Il ne doit avoir ni relations passionnelles, ni choses ou être aimés. Il devrait même se dépouiller de son nom. »

« Qu'elle est donc misérable, s'écriait Marx, cette société qui ne connaît de meilleur moyen de défense que le bourreau ! »

« Ernst Dwinger, dans son 'Journal de Sibérie', parle de ce lieutenant allemand qui, prisonnier depuis des années dans un camp où régnaient le froid et la faim, s'était construit, avec des touches de bois, un piano silencieux. Là, dans l'entassement de la misère, au milieu d'une cohue en haillons, il composait une étrange musique qu'il était seul à entendre. »




« Mais si l'homme était capable d'introduire à lui seul l'unité dans le monde, s'il pouvait y faire régner par son seul décret, la sincérité, l'innocence et la justice, il serait Dieu lui-même. Aussi bien, s'il le pouvait, la révolte serait désormais sans raisons. S'il y a révolte, c'est que le mensonge, l'injustice et la violence font, en partie, la condition du révolté. Il ne peut donc prétendre absolument à ne point tuer ni mentir, sans renoncer à sa révolte, et accepter une fois pour toutes le meurtre et le mal. Mais il ne peut non plus accepter de tuer et mentir, puisque le mouvement inverse qui légitimerait meurtre et violence détruirait aussi les raisons de son insurrection. Le révolté ne peut donc trouver le repos. »

« Je me révolte, donc nous sommes. »


Albert Camus - L'homme révolté

dimanche 1 mai 2011

Quote #23 : Philip Kindred


« "So all that took place at the hotel," he said, "consisted of a-"
"The association," Rachael said, "wanted to reach the bounty hunters here and in the Soviet Union. This seemed to work... for reasons which we do not fully understand. Our limitation again, I guess."
"I doubt if it works as often or as well as you say," he said thickly.
"But it has with you."
"We'll see."
"I already know," Rachael said. "When I saw that expression on your face, that grief. I look for that."
"How many times have you done this?"
"I don't remember. Seven, eight. No, I believe it's nine."
She-or rather it-nodded. "Yes, nine times."
"The idea is old fashioned," Rick said.
Startled, Rachael said, "W-what?"
Pushing the steering wheel away from him he put the car into a gliding decline. "Or anyhow that's how it strikes me. I'm going to kill you," he said. "And go on to Roy and Irmgard Baty and Pris Stratton alone."
"That's why you're landing?" Apprehensively, she said, "There's a fine; I'm the property, the legal property, of the association. I'm not an escaped android who fled here from Mars; I'm not in the same class as the others."
"But," he said, "if I can kill you then I can kill them." »


Philip K. Dick - Do Androids Dream of Electric Sheep?

mercredi 19 janvier 2011

IKEBANA

Koryū School of Ikebana : Displayed 9-15 August 2007


Au cours de l'été 2007, le British Museum proposait aux visiteurs une succession dans le temps de plusieurs compositions en Ikebana. Je ne sais pas si l'arrangement présenté le jour de ma visite s'intègre strictement dans la conception de l'art décrit ci-dessous...


« Joignant le geste à la parole, elle saisit une branche de fleurs de pêcher et se lança dans une grande explication.
- Il y a toujours trois éléments principaux. Selon les écoles, les dénominations changent, cela peut être le ciel, la terre et le cœur, ou le principal, le complément et l'opposé. Peu importe, retenons les trois éléments A, B et C.
Elle choisit trois branches de longueurs différentes.
- Je place A, la plus grande, au milieu ; c'est autour d'elle que le bouquet va s'ordonner : je vais piquer B et C (C étant la plus petite) respectivement à droite et à gauche. Ensuite, tout va consister à équilibrer les volumes de l'ensemble à l'aide de fleurs aux tiges plus minces. Une entre A et B, une autre entre A et C, que cela ne soit ni trop symétrique ni déséquilibré ; enfin, j'en place une en avant-garde et une dernière en arrière-garde. Et voilà : avec sept éléments, j'ai réalisé un ikebana dans le plus pur style classique de Kyoto ! »

Misa YAMAMURA - Des cercueils trop fleuris

dimanche 9 janvier 2011

Quote #22 : Artur


« Les sonates pour piano de Mozart sont trop faciles pour les enfants et trop difficiles pour les adultes. »

Artur Schnabel (1882-1951)



Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Fantaisie en ré mineur, K397


Il y a quelques années, Stéphane Goldet rapportait le commentaire d'un amateur de son émission Sacrées musiques sur France Musique. Celui-ci soulignait que Mozart, comme tous les grands compositeurs était un improvisateur de génie, souvent nocturne... Même si l'exemple à l'époque était l'Adagio en si mineur K540, que je vous invite à réécouter attentivement, on comprend très bien l'idée exposée avec ce début de Fantaisie en ré mineur K397... Mozart, en personne, penché sur son piano au beau milieu de la nuit... improvisant... Comme ce fameux auditeur, qui restera anonyme, je vous encourage à trouver la version de Claudio Arrau...

mardi 21 décembre 2010

Quote #21 : Éloi

« Un jour de très grand froid, Léon partit à sa recherche dans la neige. Il le trouva agenouillé contre un rocher avec lequel il semblait ne plus faire qu'un. Il était comme pétrifié. À proximité, un grand pin tout couvert de neige et de givre dressait dans le ciel ses énormes bouquets d'aiguilles étincelantes. On eût dit un gigantesque candélabre d'argent massif. Léon releva François et, doucement, il se mit à le ramener vers l'ermitage, en le soutenant par le bras, comme un pauvre enfant égaré. Par endroits, des paquets de neige glissaient le long des hautes branches des pins et tombaient en fine poussière blanche. Un froid glacial étreignait durement toutes choses. On entendait dans le silence les arbres craquer sous la morsure du gel. Un pâle soleil d'hiver versait ses rayons obliques sur la neige et la rendait éblouissante. Cette réverbération aveuglait François. Ses yeux malades ne pouvaient soutenir cet éclat. Il était comme un oiseau de nuit que l'on a dérangé de sa retraite et qui se trouve ébloui par la lumière du jour. »
(...)
« Au dehors, le vent soufflait et sifflait par rafales. Et l'on entendait la forêt trembler et gémir sous son souffle. François, devant ce pauvre feu, méditait. Jadis, quand les frères allaient à la ramée dans la forêt, il leur recommandait avec soin d'épargner le tronc afin de lui laisser l'espoir de reverdir. Maintenant, il se demandait anxieusement si l'arbre avait été suffisamment épargné et si un jour il allait pouvoir repartir. »

ÉLOI LECLERC - Sagesse d'un pauvre

vendredi 3 décembre 2010

Quote #20 : Alexandra


« L'ignorance - entendue comme connaissance erronée - donne lieu à des formations mentales (volitions, etc.) Celles-ci étant conditionnées par une connaissance erronée peuvent conduire à :
La convoitise - la méchanceté - la paresse - la torpeur - l'orgueil - le doute. »

« L'Ignorance nous a été indiquée comme la cause de la Souffrance ; le sentier va lui opposer les Vues justes, c'est-à-dire le savoir. »

« L'attention que l'on porte sur soi, il faut aussi la porter sur son entourage de gens et de choses. Il faut les scruter, sans intentions malignes, avec calme et une impartialité teintée de bienveillance. La première révélation que l'attention nous apporte est que nous, et les autres, sommes de pauvres êtres pitoyables et, cette découverte étant faite, c'est avec une compassion émue que le Bouddhiste considère tous les êtres et lui-même. En somme, la pratique de l'attention parfaite est un moyen d'apprendre à se connaître soi-même, de connaître le milieu dans lequel on vit et, par conséquent, d'acquérir des Vues justes. »

« La mémoire consiste à ne jamais oublier les êtres et les choses avec qui l'on a été en contact, ne fût-ce qu'une seule fois. (Abhidharma) »

Alexandra David-Néel - Le Bouddhisme du Bouddha

dimanche 26 septembre 2010

YÉTI

« Il y avait également des ours des collines. Nous les appelions "ours-chiens", ou encore "ours-hommes", je crois que ce sont ceux que les étrangers appellent "hommes des neiges". L'un d'entre eux fut tué pendant mon séjour et j'eus la chance de pouvoir l'observer attentivement. Sa fourrure tirait sur le roux et ses énormes pieds carrés se terminaient par de longues griffes acérées. Sa face m'intéressa particulièrement, elle était beaucoup plus plate que celle d'un ours qu'on trouve plus bas, un peu comme celle d'un singe ou même d'un homme. Celui-ci était un mâle adulte et son corps ressemblait bien plus à celui d'un ours qu'à un homme.
Toutes sortes de légendes circulent à propos de ces ours. Certains racontent qu'ils peuvent chevaucher un yack ou un cheval. Tout le monde sait que si l'un d'eux vous poursuit, il faut fuir vers le bas, ainsi ses longs poils lui tombent dans les yeux et l'empêchent de voir où il va. Ils savent siffler comme un homme, ça je le sais, car je les ai moi-même entendus. »


Mémoires d'un moine aventurier tibétain
Recueillis par Hugh RICHARDSON auprès de Tashi KHEDRUP

dimanche 1 août 2010

le nom de l'arbre

Le nom de Michaël Vescoli, auteur du Calendrier Celtique, a déjà été évoqué sur le Botany... En ce moment, je parcours d'autres livres de cette même collection : Le nom de l'arbre, aux Actes Sud. J'apprécie beaucoup ces lectures, riches en enseignement et aisément parcourues... Parfois les descriptions botaniques frisent la haute volée ou bien est-ce de la poésie ? « Les "fleurs" de platane sont des capitules sphériques, composés d'une multitude de fleurs minuscules regroupées autour d'un noyau ligneux. Celles des capitules mâles se réduisent à un rudiment de corolle écailleuse entourant quatre à six étamines trapues, aux anthères jaunes. Les fleurs femelles ont une corolle un peu plus développée, des embryons d'étamines non fonctionnelles, les staminodes, et quatre à six carpelles contenant le ou les ovules, surmontés d'un long style rougeâtre à l'extrémité recourbée sur lequel viendront s'accrocher les grains de pollen. »

Le cerisier par Nathalie Tordjman, le platane et l'orme par Alain Pontoppidan ou encore le frêne et l'érable par Guy Motel... la collection est large, j'ai encore de quoi m'occuper dans le métro...

Dans le livre sur mon arbre tutélaire, le frêne, voici ce que l'on peut lire... peut-être m'y reconnaîtrez-vous ? : « Si vous êtes né entre le 25 mai et le 3 juin ou entre le 22 novembre et le 1er décembre, le frêne est votre arbre tutélaire. Cet arbre qui ne déroule ses feuilles qu'une fois le printemps bien installé, tandis que l'automne qui s'achève à peine le voit, le plus souvent, depuis longtemps dépouillé, est un modèle de prévoyance. Cette ténacité se traduit chez vous par un esprit droit et exigeant : capables de tout sacrifier pour parvenir au but que vous vous êtes fixé, c'est par volonté et non par chance que vous réussissez. Votre objectif principal, à l'instar de votre arbre tutélaire, est de garder et d'affirmer votre identité, encourageant par là ceux qui vous entourent à développer leur individualité et leur personnalité propres. »

mardi 13 avril 2010

Quote #19 : René

« C'est très bien d'être révolutionnaire à ton âge, dit-il ; Léon Daudet a écrit quelque part qu'il n'avait aucune estime pour un homme qui n'avait pas été royaliste ou communiste à vingt ans. Aujourd'hui, royaliste ne signifie plus rien. On dit "fasciste". Et les communistes sont devenus les radicaux-socialistes du marxisme. Les mots ont changé, la remarque reste juste. Il faut faire sa rougeole politique infantile. Ça purge l'intelligence. Mais si on se remue trop, on risque de rester malade pour la vie... »

BARJAVEL - LES CHEMINS DE KATMANDOU

mardi 2 février 2010

Quote #18 : L'homme qui plantait des arbres

La nouvelle dans son intégralité

« Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu'il y a d'impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n'y avait rien auparavant. »

Jean Giono - L'homme qui plantait des arbres

jeudi 31 décembre 2009

Quote #17 : Oscar

« 'Days in summer, Basil, are apt to linger,' murmured Lord Henry. 'Perhaps you will tire sooner than he will. It is a sad thing to think of, but there is no doubt that Genius lasts longer than Beauty. That accounts for the fact that we all take such pains to over-educate ourselves. In the wild struggle for existence, we want to have something that endures, and so we fill our minds with rubbish and facts, in the silly hope of keeping our place. The thoroughly well-informed man - that is the modern ideal. And the mind of the thoroughly well-informed man is a dreadful thing. It is a bric-à-brac shop, all monsters and dust, with everything priced above its proper value. I think you will tire first, all the same. Some day you will look at your friend, and he will seem to you to be a little out of drawing, or you won't like his tone of colour, or something. You will bitterly reproach him in your heart, and seriously think that he has behaved very badly to you. The next time he calls, you will be perfectly cold and indifferent. It will be a great pity, for it will alter you. What you have told me is quite a romance, a romance of art one might call it, and the worst of having a romance of any kind is that it leaves one so unromantic.' »

Oscar Wilde - The picture of Dorian Gray


« Keats and Yeats are on your side while Wilde is on mine »

jeudi 10 décembre 2009

Quote #16 : La voix d'alto

« Dans le RER la chaleur était dégradante, pour moi plus que pour les autres, puisque l'homme de la rue, l'homme des foules, a pris l'habitude de se dévêtir autant que les femmes, de sorte qu'assis sur une banquette du train on a souvent les yeux et le nez sur cela même que des siècles de civilisation avaient eu pour but de dissimuler ou de ne proposer que par éclairs, fortuitement, dans l'échancrure ou le bâillement du vêtement : les poils des jambes, des aisselles, des torses, et ces tatouages qui fleurissent dans les fins de siècle, fleurs, prénoms, oiseaux, dragons, slogans, idéogrammes, cris d'amour et de haine, emblèmes de religions naissantes ou moribondes.
Avilissante chaleur, ai-je pensé avec le sentiment d'en être plus affecté que ces gens à demi nus, non pas parce que je leur serais supérieur mais parce que je suis un artiste et que cette condition est à mes yeux bien plus importante que le fait d'être citoyen d'un pays transpirant, désœuvré, morose, oublieux, et si conscient, moi, de ce que je dois à la musique que je n'ai jamais touché mon alto sans être convenablement vêtu, même chez moi, lorsque j'ai trop chaud et que je suis seul, travaillant un morceau. Oui, incapable de me représenter Marc-Antoine Charpentier composant en linge de corps ses Leçons de ténèbres, ou Alban Berg en caleçon son Concerto à la mémoire d'un ange, et indigné à l'idée que la musique puisse se jouer en débraillé alors qu'elle est la seule chose qui me fasse supporter l'idée qu'il y ait désormais un temps où Nicole n'est plus et un autre, peut-être peu lointain, où mon corps reposera dans la froide terre de Siom. »

« (...) lui qui, violoniste de formation, n'a jamais joué d'alto devant moi, me laissant seul, d'entrée de jeu, pour me faire comprendre que le musicien est toujours seul, me montrant les exemples au violon ou au violoncelle, sous le prétexte que j'avais à trouver mon propre son, et cultivant cet instrument comme un exercice spirituel pour lequel il avait transcrit les Sonates et Partitas pour violon seul de Bach, ne se consolant pas de ce que le Cantor n'ait pas écrit pour l'alto, qu'il aimait et pratiquait, une œuvre semblable à ces Sonates ou à ces Suites pour violoncelle seul dont il m'a donné le goût et qui me font rêver non pas de la gloire (« La plus belle des musiques est-elle digne de la plainte de Job ou des lamentations de Jérémie sur la destruction de Jérusalem ! » s'exclamait mon vieux maître), mais qu'il me soit donné de connaître, par exemple, ce qui est arrivé au violoncelliste Pierre Fournier, en 1974, dans l'église Saint-Michel-de-Cuxa, lorsque, après une exécution de ces Suites, le public s'est levé comme un seul homme et est demeuré là, debout, dans un silence extraordinaire. »

Richard Millet - La voix d'alto

dimanche 29 novembre 2009

torsions des bras et des mains

« Où s'en vont les idées rejetées, les projets repoussés ? Les croyances ruinées ? L'arbre est au calme. Il se conserve identique dans son bain de lumière. Mais hier, il se tourmentait par toutes ses feuilles, tous ses rameaux et toutes ses branches, jusqu'à son puissant tronc, couleur de pierre, et presque pierre. Où est son agitation, son emportement enchaîné, ses torsions des bras et des mains ? »

Paul Valéry, Poèmes et PPA

dimanche 15 novembre 2009

Quote #15 : La haine de la musique

« Le son ignore la peau, ne sait ce qu'est une limite : il n'est ni interne, ni externe. Illimitant, il est inlocalisable. Il ne peut être touché : il est l'insaisisable. L'audition n'est pas comme la vision. Ce qui est vu peut être aboli par les paupières, peut être arrêté par la cloison ou la tenture, peut être rendu aussitôt inaccessible par la muraille. Ce qui est entendu ne connaît ni paupières, ni cloisons, ni tentures, ni murailles. Indélimitable, nul ne peut s'en protéger. Il n'y a pas de point de vue sonore. Il n'y a pas de terrasse, de fenêtre, de donjon, de citadelle, de point de vue panoramique pour le son. Il n'y a pas de sujet ni d'objet de l'audition. Le son s'engouffre. Il est le violeur. L'ouïe est la perception la plus archaïque au cours de l'histoire personnelle, avant même l'odeur, bien avant la vision, et s'allie à la nuit. »
« Aucun rite ne sera observé. Aucun chant ne s'élèvera. Aucune parole ne sera prononcée. Pas de reproduction électrifiée de quoi que ce soit ni de qui que ce soit. Pas d'embrassades, de coqs égorgés, de religion, de morale. Même pas les gestes qui sont de convention. On m'aura dit adieu si on s'est tu. »
« Sur la totalité de l'espace de la terre, et pour la première fois depuis que furent inventés les premiers instruments, l'usage de la musique est devenu à la fois prégnant et répugnant. Amplifiée d'une façon soudaine infinie par l'invention de l'électricité et la multiplication de sa technologie, elle est devenue incessante, agressant de nuit comme de jour, dans les rues marchandes des centres-villes, dans les galeries, dans les passages, dans les grands magasins, dans les librairies, dans les édicules des banques étrangères où l'on retire de l'argent, même dans les piscines, même sur le bord des plages, dans les appartements privés, dans les restaurants, dans les taxis, dans le métro, dans les aéroports. Même dans les avions au moment du décollage et de l'atterrissage. Même dans les camps de la mort. »
« L'expression Haine de la musique veut exprimer à quel point la musique peut devenir haïssable pour celui qui l'a le plus aimée. »
« La musique viole le corps humain. Elle met debout. Les rythmes musicaux fascinent les rythmes corporels. À la rencontre de la musique l'oreille ne peut se fermer. La musique, étant un pouvoir, s'associe de ce fait à tout pouvoir. Elle est d'essence inégalitaire. Ouïe et obéissance sont liées. Un chef, des exécutants, des obéissants, telle est la structure que son exécution aussitôt met en place. Partout où il y a un chef et des exécutants, il y a de la musique. »

Pascal Quignard - La haine de la musique

samedi 31 octobre 2009

Quote #14 : Hermann

« L'été est brûlant, les orages violents plus fréquents, le temps changeant et quelque peu instable, mais vigoureux et énergique, le feuillage et les fleurs de marronniers puissants et exubérants, les baies en surabondance comme jamais. J'ai quitté la maison pour me reposer les yeux et me retrouver un moment dehors. Je suis en bas dans mon jardin à coté de l'endroit où je brûle les herbes près de la clôture. Sur une certaine distance, l'allée est noire de grosses groseilles à maquereau tombées des buissons. Je recharge soigneusement mon incinérateur : j'ai beaucoup de papier à brûler, et j'évite la maison avec une certaine mauvaise conscience, car il y règne une ambiance déplaisante de fête : demain, j'ai mon anniversaire (...) »
« Dans un magnifique jardin avec ses arbres vénérables, à proximité d'une belle ville suisse, avec vue sur de solennelles montagnes enneigées, je ravivais mon feu printanier et automnal coutumier, et quand je ressentais des douleurs existentielles et que, dans ce nouvel endroit, les problèmes s'accumulaient et que j'étais contrarié, j'en cherchais la faute d'un côté ou de l'autre, souvent aussi au fond de moi-même, et quand je contemplais mon robuste couteau de jardin, je songeais aux excellents conseils de Goethe aux sentimentaux suicidaires de ne pas choisir une mort trop confortable et, la méritant par leur héroïsme, de se plonger eux-mêmes le couteau dans le cœur. Et j'en étais aussi peu capable que Goethe. »
« La terre ne nous accorde plus grand-chose ; elle semble souvent ne plus être que vacarme et angoisse, mais cependant l'herbe et les arbres continuent de pousser. Et même si pour finir elle ne sera plus couverte que de cubes de béton, les nuages continueront à jouer ensemble, et il y aura toujours çà et là des hommes qui, s'aidant de l'art, garderont une porte ouverte sur le divin. »

Hermann Hesse - Brèves nouvelles de mon jardin

mardi 13 octobre 2009

Quote #13 : Alan


Alan Watts - Zen Tales





jeudi 24 septembre 2009

Quote #12 : Jodo




Entretien avec Alejandro Jodorowsky, le 15 novembre 2001
Invité par Fabien Ouaki sur la Radio Ici et maintenant