« Un jour de très grand froid, Léon partit à sa recherche dans la neige. Il le trouva agenouillé contre un rocher avec lequel il semblait ne plus faire qu'un. Il était comme pétrifié. À proximité, un grand pin tout couvert de neige et de givre dressait dans le ciel ses énormes bouquets d'aiguilles étincelantes. On eût dit un gigantesque candélabre d'argent massif. Léon releva François et, doucement, il se mit à le ramener vers l'ermitage, en le soutenant par le bras, comme un pauvre enfant égaré. Par endroits, des paquets de neige glissaient le long des hautes branches des pins et tombaient en fine poussière blanche. Un froid glacial étreignait durement toutes choses. On entendait dans le silence les arbres craquer sous la morsure du gel. Un pâle soleil d'hiver versait ses rayons obliques sur la neige et la rendait éblouissante. Cette réverbération aveuglait François. Ses yeux malades ne pouvaient soutenir cet éclat. Il était comme un oiseau de nuit que l'on a dérangé de sa retraite et qui se trouve ébloui par la lumière du jour. »
(...)
« Au dehors, le vent soufflait et sifflait par rafales. Et l'on entendait la forêt trembler et gémir sous son souffle. François, devant ce pauvre feu, méditait. Jadis, quand les frères allaient à la ramée dans la forêt, il leur recommandait avec soin d'épargner le tronc afin de lui laisser l'espoir de reverdir. Maintenant, il se demandait anxieusement si l'arbre avait été suffisamment épargné et si un jour il allait pouvoir repartir. »

ÉLOI LECLERC - Sagesse d'un pauvre