« L'été est brûlant, les orages violents plus fréquents, le temps changeant et quelque peu instable, mais vigoureux et énergique, le feuillage et les fleurs de marronniers puissants et exubérants, les baies en surabondance comme jamais. J'ai quitté la maison pour me reposer les yeux et me retrouver un moment dehors. Je suis en bas dans mon jardin à coté de l'endroit où je brûle les herbes près de la clôture. Sur une certaine distance, l'allée est noire de grosses groseilles à maquereau tombées des buissons. Je recharge soigneusement mon incinérateur : j'ai beaucoup de papier à brûler, et j'évite la maison avec une certaine mauvaise conscience, car il y règne une ambiance déplaisante de fête : demain, j'ai mon anniversaire (...) »
« Dans un magnifique jardin avec ses arbres vénérables, à proximité d'une belle ville suisse, avec vue sur de solennelles montagnes enneigées, je ravivais mon feu printanier et automnal coutumier, et quand je ressentais des douleurs existentielles et que, dans ce nouvel endroit, les problèmes s'accumulaient et que j'étais contrarié, j'en cherchais la faute d'un côté ou de l'autre, souvent aussi au fond de moi-même, et quand je contemplais mon robuste couteau de jardin, je songeais aux excellents conseils de Goethe aux sentimentaux suicidaires de ne pas choisir une mort trop confortable et, la méritant par leur héroïsme, de se plonger eux-mêmes le couteau dans le cœur. Et j'en étais aussi peu capable que Goethe. »
« La terre ne nous accorde plus grand-chose ; elle semble souvent ne plus être que vacarme et angoisse, mais cependant l'herbe et les arbres continuent de pousser. Et même si pour finir elle ne sera plus couverte que de cubes de béton, les nuages continueront à jouer ensemble, et il y aura toujours çà et là des hommes qui, s'aidant de l'art, garderont une porte ouverte sur le divin. »

Hermann Hesse - Brèves nouvelles de mon jardin